jeudi 25 janvier 2018

Tout le monde a des problèmes !



La scène se passe l’été dernier, au petit déjeuner, lors d’une discussion avec des amis chez qui nous sommes en vacances. Vous avez remarqué combien les grands débats au petit déjeuner sont un des marqueurs du temps des vacances ? On traîne à table, on prend son temps dès le matin, ce qu’on ne fait guère durant l’année, où le travail nous attend. On écoute sans juger, on est réceptif…

Nous sommes ce matin-là en train de discuter des personnalités difficiles, pénibles, des gens qui nous cassent les pieds dans les temps de cohabitation comme les vacances, et surtout les proches à problèmes. Nous en arrivons à la conclusion que, parce qu’on les connaît bien, parce qu’on sait pourquoi ils sont comme ça (soucis personnels, enfances compliquées, vies insatisfaisantes…) alors, on leur pardonne et on les supporte en soupirant.

Mais un de nos amis hausse le ton et rouspète : « Ben oui, mais alors on ne s’en sort plus ! Si sous prétexte que quelqu’un a des problèmes, on ne peut plus rien lui dire, s’il faut supporter tous ses comportements, faire les courses et desservir la table à sa place, se l’appuyer en vacances, alors que tout va mieux quand il n’est pas là, on va où ? Tout le monde a des problèmes ! Qui n’a pas de problèmes autour de cette table ? Levez le doigt ! »

Coup de génie ! Il arrête d’argumenter pour nous impliquer. Évidemment, tout le monde dans le groupe a des problèmes, même s’ils sont mis entre parenthèses le temps des vacances : l’une est en plein divorce, l’autre a des soucis de santé importants, un troisième accompagne sa sœur mourante…

L’ami reprend : « Voilà ! On a tous des problèmes ! Mais la correction et la dignité c’est de ne pas faire chier les autres avec ses problèmes ! C’est ça la névrose, ce n’est pas d’avoir des problèmes, d’avoir une histoire personnelle compliquée, mais c’est de les faire peser sur les autres, ses problèmes ! » Le débat démarre, mais je n’y participe pas. Je suis en train de suivre mes pensées…

Je me dis que ce n’est pas si mal comme définition ! Ce n’est pas celle que j’utiliserai dans mon métier, mais au fond, c’est un repère simple, à la fois pour chacun de nous (« est-ce que je ne suis pas en train de peser sur autrui avec mes soucis ? ») et pour la cohabitation avec nos proches compliqués (« j’ai moi aussi le droit de profiter de mes vacances, et de la vie, sans passer mon temps à écouter ses plaintes et à faire sa part de travail »).

La psychologie, c’est bien, ça nous aide à ne pas juger et réagir trop vite, à avoir une vision plus complexe et subtile des humains ; mais parfois c’est bien aussi de revenir à quelques fondamentaux simples. Cela n’empêche pas compréhension, bienveillance, et compassion par ailleurs. Mais c’est un petit rappel de nos droits personnels qui ne fait pas de mal…


Illustration : un poisson qui n'a plus de problèmes (mosaïque à Pompéi).


PS : cet article a été initialement publié dans Psychologies Magazine en novembre 2017.